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Arlette Rohmer, fondatrice des Jardins de Gaïa

Tensions au Darjeeling : un point sur la situation


Depuis mi-mai, la région du Darjeeling en Inde est en ébullition. De vives tensions émaillées de nombreux actes de violence, des producteurs et des employés qui ne peuvent plus travailler et des jardins de thé laissés quasiment à l’abandon sont le résultat de revendications identitaires fruits d’un passé historique complexe.

Pour en savoir plus sur la situation, nous avons contacté notre partenaire en Inde. Voici en quelques mots les informations que nous avons pu recevoir dans un contexte politique tendu.

Un peu d’histoire

Au 17e et 18e s., le Royaume du Népal conquit un vaste territoire dans les régions himalayennes, dont l’ancien royaume du Sikkim qui incluait l’actuel district du Darjeeling. Lors du traité de Sugauli, ratifié le 4 mars 1816 et qui mit fin à la guerre anglo-népalaise (1814-1816), le Népal céda plusieurs de ses territoires à l’Angleterre, dont le Darjeeling.

C’est en 1907 que l’Hillmen’s Association Of Darjeeling [1] fit la première demande d’autonomie administrative pour la région du Darjeeling-Dooars. Cette demande était légale, mais le gouvernement anglais refusa sous prétexte que ces deux régions ne pouvaient être considérées comme des régions administratives « normales » où les règles et les lois de l’Empire pouvaient s’appliquer directement, comme dans les autres parties de l’Inde.

En 1935, le Darjeeling fut officiellement rattaché à l’actuel Bengale simplement par le fait que la région dut envoyer un électeur à l’Assemblée législative du Bengale de l’époque.

Ce rattachement qui ne tenait absolument pas compte des spécificités culturelles du Darjeeling fut décidé pour des raisons purement administratives, afin de permettre un contrôle facilité de l’administration anglaise sur cette partie de l’Inde.

Après la déclaration d’Indépendance de l’Inde en 1947 et le départ des Anglais, le Darjeeling et sa population d’origine népalaise devint un territoire indien. Les « Gorkha », qui représentent en Inde la minorité d’origine népalaise qui peuple historiquement le Darjeeling, eurent beaucoup de difficultés à accepter d’être considérés de fait comme des Indiens.

À partir de là, les crises identitaires et les mouvements de revendications d’indépendance se succèdent jusqu’à ceux d’aujourd’hui déclenchés par l’imposition de l’apprentissage du bengali aux élèves du Darjeeling.

Quelles sont les conséquences pour la population locale ?

D’après notre partenaire indien, la région est totalement paralysée. Les magasins et les routes sont fermés et un climat de violence met en péril l’harmonie sociale de la région.

Légalement les grèves sont interdites et les employés des jardins de thé ne sont pas payés puisqu’ils ne travaillent pas.

La plupart des habitants survivent grâce à leurs stocks de nourriture (sac de riz, céréales, épices…) et en cultivant leurs potagers. Une économie basée sur le troc s’est parallèlement mise en place : on échange du riz contre des pommes de terre, etc.

En attendant que la situation s’améliore, les potagers permettent aux habitants de la région du Darjeeling de survivre. Mais pour combien de temps ?

Mais la situation est très délicate, et certains choisissent par nécessité de quitter les villages à l’avenir incertain, pour chercher du travail dans les grandes villes. Personne ne sait s’ils reviendront travailler un jour dans les jardins de thé. Cette situation si elle perdure aura de graves conséquences économiques et sociales dans le Darjeeling.

D’après notre partenaire indien, des armes sont en circulation dans la région et le climat est devenu très instable. Il est donc urgent que le gouvernement intervienne.

Quelles sont les conséquences sur les jardins de thé ?

Chez notre partenaire indien, depuis le début du conflit, seuls 25% de la production annuelle normale a été atteinte en 2017.

Le désherbage des jeunes théiers est une opération essentielle à leur survie. Celle-ci n’est plus faite depuis des mois.

Les managers et les employés des jardins de thé sont découragés : chaque jour ils voient ces derniers péricliter et peu à peu se recouvrir d’herbes sauvages. Dans certains jardins, on ne voit quasiment plus les théiers et la jungle reprend peu à peu ses droits. Les jeunes théiers qui ont été récemment plantés souffrent de la concurrence des plantes environnantes trop nombreuses et disparaissent peu à peu.

D’après les managers, il faudra au moins trois ans pour que les jardins de thés soient entièrement remis en état. Dès que ceux-ci rouvriront, l’urgence sera de réparer les habitations des ouvriers qui ont été touchées par la mousson qui a causé beaucoup de dégâts cette année et de nettoyer les jardins au plus vite.

Certains d’entre eux s’en sortent mieux que d’autres, comme celui de Mineral Spring qui appartient à quelques petits fermiers indépendants. Ces derniers ont pu transformer manuellement quelques thés, qu’ils ont vendus sur les marchés locaux du Dooars tout proche.

Ce sont dans les jardins de Subarna, Samabeong et Potong que la situation est la plus inquiétante. Non seulement ils sont très isolés, mais leurs cultures potagères sont trop limitées pour leur permettre une autosuffisance alimentaire.

De nombreux propriétaires de jardins de thé ne savent plus comment gérer la situation de leurs employés et leur situation financière est telle, que nombreux d’entre eux choisissent de tout vendre. La crise est donc très grave.

Ce qui était encore un jardin de thé au début du printemps est en train de se transformer en vraie jungle. D’après notre partenaire, la tâche de nettoyage sera énorme.

Si les jardins restent fermés après septembre, il y a de gros risques que la culture du thé dans le Darjeeling soit compromise pour l’année prochaine à commencer par la récolte des primeurs 2018.
Dans tous les cas, la pénurie en thés du Darjeeling devrait se faire rapidement sentir et une augmentation du prix de ces derniers est à prévoir.

Un espoir ?

Cette crise est avant tout une crise identitaire, bien plus qu’une crise économique. Il est évident que si les revendications d’autonomie administrative et les spécificités culturelles du Darjeeling étaient mieux prises en compte, ces affrontements ne seraient pas aussi virulents.

Mais en attendant, tous les espoirs se tournent vers le gouvernement indien qui pour le moment n’est pas intervenu de manière directe pour stabiliser la situation.

Cela pourrait changer avant l’arrivée la « Durga Puja », une grande fête traditionnelle qui aura lieu fin septembre dans le Bengale. Nous espérons que ce sera l’occasion pour que le gouvernement indien de trouver une solution afin de protéger les populations locales et de faire en sorte que tout le secteur économique, dont les jardins de thé, puisse à nouveau repartir.

[1] L’Hillmen’s Association of Darjeeling fut le premier groupe constitué pour demander officiellement l’autonomie administrative du Darjeeling. Ses membres firent plusieurs demandes successives au gouvernement britannique (en 1907, 1917, 1929 et 1930).

Écrit par Les Jardins de Gaïa

Pionniers sur le marché des thés et tisanes bio et équitables, Les Jardins de Gaïa proposent, depuis 1994, des grands crus nature, des classiques et des créations maison originales. Privilégiant les petits producteurs et les récoltes manuelles, ils ont développé au fil des années une gamme généreuse et variée de thés, rooibos et tisanes aux qualités gustatives reconnues, ainsi qu’une gamme d’épices bio et prémiums proposée sous la marque Terra Madre. Tel un jardin épanoui, la force des Jardins de Gaïa tient dans la diversité des terroirs et l’engagement des hommes qui la travaillent…

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